La gestion de l’approvisionnement de nos ressources : un enjeu durable et de plus en plus régulé

Par Frédéric Bardy

Le devoir de vigilance des entreprises vis-à-vis de leur chaine d’approvisionnement deviendra-t-il la norme dans un avenir proche ? C’est en tout cas ce que laissent penser les différentes initiatives au niveau sectoriel, mais aussi national et international qui sont apparues ces dernières années. 

Le 24 Février dernier, Antonio Guterres, le Secrétaire Général des Nations Unies mettait en garde la communauté internationale, déclarant que «?les droits de l’homme sont attaqués de partout?»1 et ce, notamment avec l’essor d’une crise climatique, identifiée comme la menace la plus pressante. Les entreprises ont une part de responsabilité dans cette situation accablante, mais elles ont aussi la possibilité de jouer un rôle primordial dans la résolution de ces crises. Le devoir de vigilance est un élément clé pour remédier à la situation actuelle au niveau des droits de l’Homme et de l’environnement dans le monde.  

Il est temps pour les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs confondus de prendre en main leur chaine d’approvisionnement en renforçant les liens avec leurs fournisseurs afin de construire des bases solides pour le futur tout en limitant les risques réputationnels liés à l’apparition d’éventuels scandales au sein de leur chaine d’approvisionnement. Mais quelles sont les avancées les plus notables en termes de devoir de vigilance en Europe?? 

Une approche sectorielle de la gestion de la chaine d’approvisionnement pour les matières premières à risque 

Il existe déjà des initiatives sectorielles pour réguler l’achat de produit et matières premières dites «?à risque?» en termes de respect des droits humains et de l’environnement. Ces initiatives sont principalement des démarches volontaires. Voici quelques exemples parmi d’autres?: 

En 2010, le Parlement Européen éditait un règlement, effectif à partir du 3 Mars 2013, sur la chaine d’approvisionnement du bois et des produits dérivés. Ce texte de loi contraignant, imposant des sanctions aux contrevenants, permet de cadrer l’approvisionnement afin d’assurer une filière transparente et plus durable pour cette ressource stratégique à de nombreux secteurs comme le BTP. En effet, la chaine d’approvisionnement du bois est soumise à de nombreux risques, tels que celui de la déforestation de forêts primaires, aux nombreuses conséquences environnementales (perte de biodiversité, érosion des sols, réduction de la captation du carbone atmosphérique…) et sociales (disparition des cultures indigènes, appauvrissement des populations limitrophes…).  

En 2017, le Parlement Européen fixait les obligations relatives à l’approvisionnement de minerais provenant de zones de conflits, tels l’étain, l’or, le tantale et le tungstène. En vigueur à compter du 1er Janvier 2021, la règlementation prévoit de renforcer la traçabilité et le devoir de diligence des importateurs de l’Union Européenne afin d’empêcher le financement de groupes armées et de forces de sécurité dans les zones riches en ressources minières. De ce fait, ces mesures visent à limiter les conséquences désastreuses sur le plan humain, comme le travail des enfants dans les mines ou les violences sexuelles résultant de conflits.  

En 2018, suite à l’accident de Rana Plaza survenu en 2013 au Bangladesh, qui coutait la vie à près de 1200 personnes, l’OCDE publiait un «?Guide sur le devoir de diligence applicable aux chaînes d’approvisionnement responsables dans le secteur de l’habillement et de la chaussure?» afin de présenter les bonnes pratiques en matière de gestion durable de la chaine d’approvisionnement dans ce secteur. 

Des initiatives nationales mises en place pour renforcer le devoir de vigilance des entreprises 

Au niveau national, la France fait figure de pionnière. Elle est le premier pays au monde à avoir instauré une loi contraignante renvoyant les multinationales à leurs propres responsabilités sur leur chaine d’approvisionnement et à sanctionner leurs manquements au niveau des droits de l’Homme et de l’environnement. Depuis, deux sociétés françaises, Total et Téléperformance, ont été mises en demeure par des groupements d’associations suite à leurs manquements au devoir de respect des droits humains et de l’environnement dans leur chaine d’approvisionnement. 

D’autres initiatives nationales peuvent également être citées. Par exemple, le Royaume-Uni votait en 2015 le Modern Slavery Act, effectif à partir du 26 Mai 2020, visant à combattre l’esclavagisme moderne, notamment au niveau des entreprises2. Plus récemment, les Pays-Bas adoptaient en 2019 une loi rendant obligatoire le devoir de vigilance vis-à-vis du travail des enfants pour toutes entreprises hollandaises ou étrangères qui vendent ou fournissent des biens ou des services dans le pays3. 

Les instances internationales sous pression pour adopter des législations sur le devoir de vigilance des entreprises 

Avec les scandales à répétitions et une sensibilisation croissante du public à l’égard du développement durable, de plus en plus de pression de la société civile, incluant les investisseurs, est exercée sur les instances nationales et internationales.  Elles ont pour but d’apporter un cadre juridique aux activités des entreprises pour les renvoyer à leur responsabilité vis-à-vis de leur propre chaine d’approvisionnement. Ces pressions aboutiront très certainement à l’adoption de nouveaux textes de lois sur le sujet. Il y aura par exemple en Octobre 2020 une nouvelle série de négociations à l’ONU pour l’adoption d’un traité international rendant les multinationales responsables de leurs manquements au niveau des droits de l’Homme, notamment au sein de leur chaine d’approvisionnement. L’Union Européenne, à travers la Commission Européenne, a chargé le BIICL (British Institue of International and Comparative Law) en collaboration avec LSE Consulting et Civic consulting de mener une étude sur le devoir de vigilance dans les chaines d’approvisionnement4. Cette étude, publiée en Janvier 2020, présente 4 scenarios de réglementation sur le devoir de vigilance?: 

Aucun changement dans la réglementation européenne n’intervient. L’étude prédit que si ce scenario est appliqué, des législations nationales seront mises en place afin de palier a cette absence de loi unifiée au niveau de l’UE ; 

1. Mise en place de nouvelles lignes directrices à l’attention des entreprises avec une mise en application volontaire ; 

2. Mise en place d’une nouvelle réglementation contraignante en matière de compte rendu afin de renforcer le devoir de transparence des entreprises ; 

3. Introduction d’une loi contraignante sur le devoir de vigilance des entreprises tout au long de leur chaine d’approvisionnement. 

Ainsi, de nombreux éléments tendent à indiquer que l’Union Européenne va prochainement légiférer sur un nouveau texte de loi pour encadrer les entreprises quant à leur devoir de vigilance. 

Des entreprises pionnières qui s’engagent à améliorer leurs choix de fournisseurs 

Des entreprises se démarquent déjà dans le domaine du devoir de vigilance et marquent la gestion de leur chaine d’approvisionnement comme un de leurs USP (Unique Selling Proposition). C’est le cas par exemple de l’entreprise hollandaise Fairphone5 qui rend sa chaine d’approvisionnement transparente et met en place des mécanismes afin de limiter voire d’éviter d’acheter des minerais provenant de mines ne respectant pas les plus simples droits humains, principalement dans les zones de conflits. Ils se démarquent ainsi de la concurrence et notamment des grands acteurs des hautes technologies qui évitent au maximum de communiquer sur le sujet afin de limiter les risques réputationnels. Dans une moindre mesure, certaines entreprises du BTP s’investissent dans une meilleure gestion de leur chaine d’approvisionnement. C’est le cas notamment de Bouygues Construction6 qui a pour objectif d’auditer, à travers une entreprise indépendante, tous ses fournisseurs à risque, afin de s’assurer du respect des droits de l’Homme. Aussi, The British Land Company plc, une société d’investissement immobilier anglaise, a adopté un code de conduite pour ses fournisseurs7 qui intègre les dimensions sociales et environnementales, avec notamment la prise en compte des conditions de travail de ses fournisseurs, l’achat de minerais responsable et l’engagement communautaire. 

Ainsi, les entreprises actives dans tous les secteurs, allant du BTP à celui du commerce de détail, seront de plus en plus amenées à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de leur chaine d’approvisionnement. De nombreuses ONG se positionnent déjà pour s’assurer du respect des engagements des entreprises sur le sujet. Le site vigilance-plan.org, développé par Sherpa, Terre Solidaire et Business & Human Rights Ressource Center, est un exemple – parmi d’autres – d’initiative visant à contrôler ces engagements.  

Heureusement, de nombreuses démarches et outils sont disponibles pour faciliter la tâche des entreprises et ainsi leur permettre de s’inscrire dans une dynamique plus durable. C’est dans ce cadre que Longevity souhaite collaborer et offrir ses services à des entreprises responsables qui placent la durabilité comme une priorité dans leur modèle d’affaire et qui souhaitent mieux contrôler leur chaine d’approvisionnement. 

1. https://news.un.org/en/story/2020/02/1057961

2. http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2015/30/contents

3. https://ohrh.law.ox.ac.uk/dutch-child-labour-due-diligence-law-a-step-towards-mandatory-human-rights-due-diligence/

4. https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/8ba0a8fd-4c83-11ea-b8b7-01aa75ed71a1/language-en

5. https://www.fairphone.com/en/impact/?ref=header

6. https://www.bouygues-construction.com/en/page-engagement/human-rights

7. https://www.britishland.com/~/media/Files/B/British-Land-V4/downloads/2018/BL%20Supplier%20Code%20of%20Conduct.pdf

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