1 juin 2020
Par Thomas Larivière
En 2009, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus de la moitié de la population vit en ville. Selon les prévisions des Nations Unies, le nombre de citadins devrait augmenter de 72 % d’ici 2050 pour atteindre 6,3 milliards et représenter 67 % de la population. La population urbaine sera alors équivalente à la population mondiale de 2002. Les conséquences néfastes de l’urbanisation sur des écosystèmes qui nous sont essentiels ont créé un besoin urgent pour le développement de villes plus soutenables.
Les premières villes se sont développées dans le monde il y a environ 12000 ans, avec la sédentarisation de l’Homme grâce à l’agriculture. Certaines population animales et végétales se sont alors adaptées à la présence humaine, d’autres se sont éteintes. Malgré tout, une certaine diversité végétale et animale s’est maintenue. Loups, ours, et rapaces étaient encore bien représentés, jusqu’au début du 19eme siècle car ils bénéficiaient d’une certaine perméabilité des villes pour se nourrir des ordures ménagères. (1)
Avec la révolution industrielle, l’afflux de travailleurs et les premières automobiles, les conditions urbaines se sont extrêmement détériorées. Leur perpétuelle extension contribua à la disparition de nombreux habitats pour la faune et la flore.
Cependant, des études ont été menées pour observer les adaptations de la Biodiversité aux contraintes imposées par les hommes. De surprenantes stratégies ont été découvertes. Commençons par un exemple bien connu, celui de la Phalène du Boulot (Biston betularia). Ce petit papillon de couleur claire vivant sur l’écorce blanche des bouleaux était parfaitement adapté à son environnement. Cependant lors de la révolution industrielle, l’utilisation massive du charbon, notamment des machines à vapeur, a noirci l’écorce de ces arbres. Les papillons de couleur blanche étaient alors devenus des proies faciles. Une mutation de forme foncée représentant alors un faible pourcentage de la population s’est alors retrouvé avec un avantage concurrentiel : les individus foncés étaient alors plus discrets. La sélection naturelle, décrite par un certain Charles Darwin, fit alors son travail, et les papillons au phénotype (expression des gènes) de couleur noir se retrouvèrent en supériorité numérique.
Des adaptations génétiques peuvent également se manifester chez les végétaux. Le Crépis saint (Crépis santa), fleur jaune d’une dizaine de centimètres, présente sur tout le territoire français a réussi à s’adapter aux petits parterres des villes. Non pas en utilisant l’anémochorie (dissémination de ses graines par le vent), comme les individus de la même espèce en milieu ouvert, mais par le biais de graines lourdes. Celles-ci tombant directement dans les parterres, elles permettent ici de faire perdurer l’espèce en ville, en augmentant les chances d’atterrir sur des zones non imperméabilisées. (2)
D’autres trais de caractéristiques peuvent aussi être observés, par exemple les papillons de nuit urbains, de même espèce, sont 20% moins nombreux à être attirés par la lumière. On pourra encore citer des espèces de petits poissons, capables de résister à un milieu à fort concentration de métaux lourd, dans les eaux de villes portuaires.
Tous ces phénomènes sont liés à des adaptations héréditaires à la vie urbaine, liées au processus de sélection naturelle. Ces processus pourraient même amener à l’apparition de nouvelles espèces spécialisées aux milieux urbains (3) avec des changements de morphologie (forme, couleur), de physiologie (adaptation aux pollution urbaines) et de comportement (non-attirance à la lumière).
Il faut cependant garder en tête que ces évolutions se réalisent sur une échelle de temps extrêmement grande et que la majeure partie de la biodiversité ne possède pas la capacité de s’adapter sur une période aussi courte (espèces à croissance lente, reproduction tardive). La pollution, l’imperméabilisation des sols et le changement climatique entrainent un effondrement massif de la Biodiversité. D’une telle ampleur qu’elle est considérée comme la 6ème extinction de masse qu’a connue notre planète.
Il est donc important de bien s’entourer pour prendre en compte ces enjeux aux prémices des nouveaux projets de construction. Chez Longevity Partners nos recommandations sont définies dès la phase de conception de projet urbains. L’objectif sera de limiter au maximum l’emprise au sol et la pollution lumineuse, d’inclure un maximum de caractéristiques permettant d’accueillir la faune et la flore. Il s’agira aussi de prendre en compte la biodiversité grise, (le cumul des impacts positifs et négatifs sur la biodiversité sur l’ensemble du cycle de vie d’un matériau ou d’un produit) (4).
Sources:
1. A. MURATET & F. CHIRON, 2019, Manuel d’Ecologie urbaine
2. P.-O. CHEPTOU & ALL 2001. Imbreeding depression and intraspecific competition in Crepis Sancta (Asteraceae). Evolutionary ecology 15(1): 1-13. 5.
3. Travaux de Menno Schilthuizen, chercheur à l’Université de Leiden, Pays-Bas
4. Club U2B 2015, Du concept à la mise en œuvre: la Biodiversité grise