Par Anneli Tostar

Qu’est-ce que le carbone incorporé ?

En bref  

Les constructions « vertes » ont toujours œuvré pour l’usage d’énergies renouvelables au sein de nos immeubles, nos bureaux, et nos logements. Pour autant, une toute autre dimension aux constructions vertes existe.

Les matériaux et la composition des bâtiments sont des facteurs tout aussi importants pour évaluer l’emprunte carbone d’un bâtiment au niveau architectural. Une fonction décodée S&S évalue l’importance stratégique de la prise en compte du carbone incorporé dans les phases de conception et de construction. Elle évalue le bilan environnemental des matériaux clés, partage les dernières innovations et évalue l’efficacité des modèles circulaires appliqués aux nouvelles infrastructures. Enfin, elle estime les investissements et efforts collaboratifs nécessaires à la conception de villes et de paysages résilients face au changement climatique. 

Pour aller plus loin 

Si vous lisez cet article, il est fortement probable que vous soyez familier avec l’impact des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur la vie quotidienne. Agir pour réduire son empreinte carbone est aujourd’hui devenu la norme, se faisant de diverses manières : à travers la réduction de sa consommation de viande, de ses déplacements, ou encore la consommation d’énergie renouvelable dans nos foyers. Mais qu’en est-il de l’empreinte carbone associée au processus de construction de nos maisons ? 

Qu’est-ce que le carbone incorporé ?

Le carbone incorporé est le carbone associé au processus de production d’un objet. Cela s’applique à tout : qu’il s’agisse d’une brosse à dents ou d’un pont. Notre article fait cependant le choix de se concentrer sur les bâtiments. 

Un bâtiment typique est composé de trois matériaux principaux : le béton, l’acier et le verre. Malheureusement, la production de ces trois matériaux est extrêmement gourmande en carbone. Pour de nombreux bâtiments commerciaux, près d’un quart de leur impact carbone peut être attribué aux matériaux qui les composent. Alors que les réseaux électriques continuent de se décarboniser, cette proportion augmentera inexorablement. Le béton représente à lui seul 8% des émissions mondiales de GES, avec une empreinte de 600 à 800 kg de CO2 / tonne de béton. C’est plus que le transport aérien et l’industrie de la mode réunis. 

Mike Bernets-Lee indiquait dans l’édition 2020 de «How bad are bananas?» que pour un sac de ciment de 25 kg, vous pourriez rassembler les éléments suivants: 

  • 1. 9kg CO2e for one ‘green cement alternative’

  • 2. 17kg CO2e for an industrially trialled low-clinker cement

  • 3. 24kg CO2e global average ordinary Portland cement

 

Pourquoi la construction est-elle si requérante en carbone ? Dérivé du sable, le béton et le verre sont cuits dans des fours géants, très énergivores. Bien que l’acier ne soit pas fait de sable, il nécessite un chauffage à des températures particulièrement élevées. La distribution et le transport sont également pris en compte dans l’impact de ces matériaux, ce qui explique davantage leur intensité carbone. Par exemple, le principal composant du béton traditionnel, le ciment, ne peut être fabriqué qu’à partir de certains types de sable qui sont expédiés de partout dans le monde – et ce entraînant souvent du gaspillage inutile.  

Le graphique ci-dessous montre les intensités de carbone des matériaux de construction les plus courants : 

https://www.sciencedirect.com/topics/engineering/embodied-energy 

On peut observer sur le graphique que le bois est un matériel affichant un nombre négatif. Cela peut sembler étonnant. Ne faut-il pas abattre des arbres pour récolter du bois? N’est-ce pas mal? C’est en effet vrai, pour autant le carbone n’est pas réellement libéré du bois à moins qu’il ne se décompose (ou ne brûle), donc en utilisant ce bois pour un bâtiment vous «piégerez» essentiellement le carbone dedans, tant que le processus de «fin de vie» du bâtiment est mené de manière responsable. Si le bâtiment est simplement démoli plutôt que démonté, le carbone n’est plus piégé. Les mêmes règles s’appliquent si le bâtiment brûle, raison pour laquelle il est important d’utiliser du bois traité au feu. 

Innovation et recherche 

De nombreuses recherches émergent actuellement, visant à créer des alternatives au béton et au verre traditionnels, plus faibles en carbone. Ces deux matériaux s’avèrent en effet inévitables à la construction, même pour une construction principalement faite de bois. Partout dans le monde, le béton se veut innovant lorsqu’il est fait de déchets de construction. Central Concrete à San Jose, en Californie, expérimente un béton capable de stocker du carbone. A l’Université de Tokyo, de récentes recherches découvraient que l’ajout de déchets de bois au béton recyclé avait des propriétés de consolidation. Ailleurs en Inde, les agissements de gros groupes industriels tels que Dalmia Cement établissent une nouvelle norme puisqu’ils s’engagent à devenir une entreprise à émission de carbone négative d’ici à 2040. Le futur de la conception des bâtiments évolue constamment, des chercheurs ont même récemment découvert un moyen de rendre les panneaux solaires transparents, pour que les fenêtres aient un double objectif. 

Les efforts réalisés afin que nos infrastructures répondent aux principes de l’économie circulaire – et qu’elles transforment les déchets en précieuses ressources – participent à la lutte commune contre l’intensité carbone des bâtiments.

British Land a récemment rénové son siège social à Londres avec des façades qui ont été récupérées de l’ancien bâtiment, en utilisant une usine «pop-up» à proximité. Un autre exemple parlant de la construction circulaire est celui du siège de la Banque Triodos aux Pays-Bas, qui a été construit avec 165 312 vis afin d’être démonté, et non démoli, l’heure venue. 

Aussi, plus de 84% de l’acier utilisé au Royaume-Uni est au moins partiellement recyclé, ce qui réduit considérablement son empreinte carbone. Les métaux comme l’acier, bien que leur production soit intensive en carbone, peuvent être recyclés à l’infini, contrairement à d’autres matériaux comme le plastique. 

En conclusion

Construire pour l’avenir n’est pas sans obstacles. D’ici 2050, la population mondiale devrait augmenter de 2 milliards d’individus, provenant majoritairement des pays en développement. Le changement climatique verra la migration à l’intérieur des terres se multiplier, sur des terrains plus élevés, en ville, où prévaudra une demande accrue d’immeubles, de bureaux et d’espaces communs. Le déplacement de la population indonésienne de la capitale de Jakarta à Kalimantan à Bornéo en est un exemple criant. Ainsi, la question de ou construire devient presque aussi importante que cette question : avec quoi construire ?

Investir dans l’architecture et l’infrastructure d’un bâtiment, c’est investir pour l’avenir. S’ils sont conçus de manière stratégique en tenant compte des défis climatiques, nos bâtiments peuvent durer dans le temps. Pour autant, les investisseurs d’aujourd’hui doivent être prêts à assumer les coûts initiaux. Une étude récente du UK Green Building Council démontrait que la construction de bureaux selon des normes conformes aux objectifs de sobriété carbone coûtera 8 à 17% de plus par m2 que les techniques de construction traditionnelles. 

Pour suivre le rythme, les promoteurs et propriétaires fonciers doivent collaborer avec l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et donner la priorité à l’efficacité ainsi qu’à l’utilisation de matériaux durables pour les nouvelles constructions et les rénovations. Les promoteurs les plus négligents seront forcés un jour ou l’autre de se conformer aux règlementations internationales sur le carbone incorporé.

Construire des villes et des bâtiments respectueux envers notre planète est un réel défi, mais il n’est pas insurmontable. Grâce à la collaboration, à l’innovation et à la recherche, nous pouvons atteindre l’objectif de Développement Durable #11. 

 

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