Hugh Falcon, Senior Analyst, Longevity Partners 

Finance durable : création de valeur financière, sociale et environnementale dans l’immobilier 

Nous n’avons plus beaucoup de temps pour limiter les pires effets du changement climatique. Si nous voulons éviter – entre autres – les effets d’une hausse extrême des températures, des catastrophes naturelles de fréquence et intensité grandissantes et de la perte de biodiversité, le monde doit atteindre ses objectifs de neutralité carbone d’ici le milieu du siècle. Pour y parvenir, un volume considérable de capitaux consacrés à des investissements durables sera nécessaire chaque année, d’ici à 2050. Cela nécessite une réorientation des flux de capitaux vers les investissements durables, et les progrès en ce sens permettront de renforcer le lien entre les critères ESG et la finance en général.  

En termes financiers, on estime qu’une réorientation de 6 300 milliards de dollars vers des investissements liés au climat est nécessaire chaque année au cours de la prochaine décennie afin de rester sur la voie de la décarbonation de l’économie ; et le secteur privé devra fournir 70 % des investissements directs nécessaires pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. Il y a beaucoup de progrès à faire dans le secteur immobilier, car il représente (directement et indirectement) près de 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, d’ici à 2030, tous les nouveaux projets devront être construits avec des systèmes énergétiques neutres en carbone, et les bâtiments existants devront être modernisés pour atteindre la même norme à un rythme de 5 % par an. Tout retard dans la réalisation de ces objectifs entraînerait des coûts directs supplémentaires de 2,5 milliards de dollars pour le secteur au cours des huit prochaines années.  

Les estimations diffèrent quant à la somme d’investissements nécessaires à la décarbonation des bâtiments. En revanche il est clair que de nombreuses incitations économiques (à court et long terme) rendent cette forme d’investissement digne d’intérêt. En termes purement financiers, les investissements dans la décarbonation de l’environnement bâti généreront des gains de productivité à plus long terme, allant des économies directes réalisées grâce à des systèmes énergétiques et des matériaux de construction plus efficaces, à une augmentation comparative de la valeur locative et de la valeur de vente au détail. Indirectement, les investissements ciblés pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris verront une réduction du risque de transition et de dépendance au niveau d’un actif individuel pour un investisseur, rendant un investissement plus rentable sur un horizon de 10 ans. 

En outre, les méthodes de comptabilisation carbone ainsi que la rédaction des objectifs et leurs publications sont de plus en plus nombreuses et strictes, et deviennent lentement mais sûrement obligatoires pour tous les détenteurs d’actifs. Les acteurs du secteur de l’immobilier devront impérativement atténuer les risques liés à la transition en anticipant les futures réglementations, qui, sous l’impulsion des États et des institutions supranationales, ont renforcé les exigences en matière de divulgation et encouragé la transition carbone à l’aide de leviers financiers.  

Du point de vue des émetteurs, l’influence grandissante du développement durable sur la prise de décision dans le secteur immobilier est en partie attribuée aux leaders qui reconnaissent l’impact positif de la performance ESG sur leur coût du capital, qui est inférieur de 0,4 % dans l’indice MSCI World pour les leaders ESG par rapport aux retardataires. Les changements dans la réglementation et l’augmentation des normes de divulgation, ainsi que la baisse du coût du capital, ont élevé la demande d’investissement de l’ensemble du marché dans les projets d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, et les investissements responsables privés favoriseront l’atteinte de la neutralité carbone dans le secteur immobilier d’ici 2050. 

 

Obligations et prêts verts: débloquer la valeur des actifs durables 

Les obligations vertes et les prêts verts sont des instruments de dette fixe dotés d’une structure de gouvernance intégrée, qui exige que les bénéfices soient utilisés pour des projets à impact social ou environnemental. (Les prêts verts exigent également des rapports indépendants et la fixation d’objectifs). Il s’agit d’un outil de plus en plus populaire sur le marché de l’immobilier, utilisé pour capitaliser sur de nouveaux projets de développement de haute qualité, ainsi que sur des projets de durabilité dans des actifs existants. 

La Climate Bonds Initiative a enregistré qu’à la fin de 2021, un montant cumulé de 2 800 milliards de dollars avait été levé en obligations vertes, sociales, durables et de transition dans le monde (collectivement abrégées en obligations GSS+). Le taux d’émission a augmenté d’année en année, ce qui prouve que le secteur privé est devenu réceptif à cette demande – les émissions GSS+ ont augmenté de 46 % en 2021 par rapport à 2020. Avec au total plus de 16 000 titres GSS+ ayant été émis de 2007 à fin 2021, les exemples d’émissions d’obligations durables foisonnent, à l’instar de Digital Realty, propriétaire de fonds d’investissement immobilier (REITs) en data center, qui a financé via des obligations vertes ses projets d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable afin de réduire considérablement l’intensité énergétique et les émissions de carbone de ses centres. Canary Wharf Group a émis 906,3 millions de livres sterling d’obligations vertes en avril 2021, spécifiquement pour financer son engagement à atteindre l’objectif Net Zero Carbone d’ici 2030.  

Le secteur immobilier nord-américain est un excellent exemple de la force et de la demande de cette forme d’émission de titres de créance ; les offres d’obligations vertes ont représenté 16,4 % de tous les capitaux levés par le biais d’offres de titres de créance REIT  (foncières américaines) dans le pays entre le premier et le troisième trimestre 2021. Différentes formes d’obligations durables ont également beaucoup gagné en popularité ; les obligations liées à la durabilité ont été multipliées par 10 d’une année sur l’autre, et les obligations vertes ne représentent que 49 % du total des émissions en 2021. Si cela montre que la demande pour ces instruments de dette a augmenté de manière exponentielle, cela prouve également que, pour répondre à l’offre, le marché de la dette ESG s’est dilué avec des transactions qui passent tout juste pour durables. À mesure que le marché rattrape la pénurie d’instruments de dette durable de la plus haute qualité, être en mesure de financer ou d’émettre des obligations et des prêts verts d’un niveau élevé qui satisferont l’opinion indépendante commencera à être encore plus recherché par les gestionnaires d’actifs, d’autant plus que nous nous dirigeons actuellement vers une période de taux d’intérêt plus élevés. 

 

Les avantages des obligations et des prêts GSS+ pour les émetteurs 

Les instruments de dette GSS+ permettent d’accéder à un vaste éventail de capitaux cherchant à financer la neutralité carbone : les gestionnaires d’actifs du monde entier ont maintenant des objectifs de neutralité carbone pour leurs émissions de titres financiers. En parallèle, les clients souhaitent de plus en plus voir leur argent mis au service du développement durable. En outre, les risques liés à la transition ont été intégrés dans la matrice des risques de chaque gestionnaire d’actifs ; ils ont l’obligation fiduciaire d’éviter les investissements dans des actifs obsolètes (« stranded assets » selon le CRREM), tels que des bâtiments dont l’efficacité énergétique est médiocre. En examinant de plus près les sujets potentiels de durabilité dans les investissements, lorsqu’un actif performant remplit tous les critères, les gestionnaires d’actifs immobiliers peuvent capitaliser sur cette opportunité en émettant un prêt vert. 

L’émission d’une dette durable indique qu’une organisation s’engage pour le développement durable : cela est dû à une transparence accrue à travers le processus d’émission du titre et d’utilisation des instruments financiers, améliorant ainsi la relation avec les investisseurs. Ces derniers ont une idée plus claire des projets que l’emprunt finance et des progrès réalisés au fil du temps pour atteindre les objectifs de durabilité. 

Les obligations vertes ont généralement tendance à se négocier à des prix plus élevés, ce qu’on appelle communément le « greenium » et qui réduit le coût du capital pour les entreprises et les entités gouvernementales. Cela s’explique par la réduction de l’asymétrie d’information, l’amélioration de la liquidité et la diminution du risque perçu par les investisseurs. Les prêts verts réduisent encore le coût du capital pour les émetteurs, s’ils atteignent les objectifs de durabilité convenus lors de l’émission du titre.  

Les fonds de secours COVID et les fonds d’atténuation du changement climatique émis par les banques centrales débloquent des milliers de milliards d’euros et de livres lorsque des objectifs de durabilité sont fixés : les entreprises privées qui souhaitent accéder à ce capital, facilement disponible et à un taux d’intérêt réduit, doivent réaliser des projets à impact social et environnemental tangible. Celle-ci est à son tour vendue sous la forme d’une obligation et achetée par les banques. 

Les exigences de la réglementation SFDR (finance verte), de la taxonomie de l’UE (classification des activités durables) et de la TCFD (reporting climat des entreprises) contribuent également à cette prime verte qu’est le « greenium » : des réglementations sur la finance durable ont été élaborées pour garantir que les flux financiers financeront la transition vers une économie décarbonée. L’offre d’investissements éligibles est limitée et de nombreux acteurs du marché financier, tels que les fonds de pension, les banques centrales et les sociétés d’investissement immobilier, s’empressent d’en remplir leurs portefeuilles. En particulier aujourd’hui, avec la création des fonds des articles 8 et 9 (soumis à la réglementation SFDR), qui négocient des prêts et des obligations verts à un prix élevé en essayant de se conformer aux exigences réglementaires strictes décrites par la réglementation européenne. 

 

Comment nous pouvons vous aider à naviguer dans le domaine de la finance durable 

L’opportunité pour les émetteurs et les investisseurs du secteur immobilier de profiter des avantages de la dette durable est trop importante pour être ignorée, même dans un marché turbulent comme celui que nous connaissons ces temps-ci. Longevity Partners possède l’expertise pour vous guider dans les processus d’émission de titres de créance durable et l’investissement à impact, en offrant des services qui couvrent toute la gamme de la finance durable GSS+ et traditionnelle. 

Chez Longevity Partners, nos services comprennent le développement de cadres de prêts et d’obligations verts, la conduite d’examens externes et d’opinion de seconde partie (SPO), l’évaluation de prêts verts potentiels par rapport aux cadres réglementaires, et des conseils sur le développement de la gouvernance de la finance durable. De plus, nous effectuons des analyses de risque ESG sur des investissements potentiels et nous travaillons avec tous nos services pour fournir des analyses de marché et de politique à nos clients, tout en les conseillant sur la stratégie ESG et sa publication. Contactez notre équipe dès aujourd’hui à l’adresse info@longevity.co.uk pour savoir comment nous pouvons vous aider à atteindre vos objectifs de durabilité. 

 

Références: 

Climate Bonds Initiative (2022) Climate finance is cheaper than catastrophic climate damages: IPCC’s Latest Report. Available at: https://www.climatebonds.net/2022/04/climate-finance-cheaper-catastrophic-climate-damages-ipcc%E2%80%99s-latest-report  

Climate Bonds Initiative (2022) Sustainable Debt: Global State of the Market 2021. Available at: https://www.climatebonds.net/files/reports/cbi_global_sotm_2021_02f.pdf  

Canary Wharf Group (2021) Canary Wharf Group Successfully Issues Multi-Tranche Debut Green Bonds. Available at: https://group.canarywharf.com/press-release/canary-wharf-group-successfully-issues-multi-tranche-debut-green-bonds-120421/  

Deloitte (2020) Decarbonization of Real Estate: End-to-End Business Transformation. Available at: https://www2.deloitte.com/global/en/blog/responsible-business-blog/2020/decarbonization-of-real-estate.html  

Digital Realty (2022) Green Bonds. Available at: https://www.digitalrealty.com/about/sustainability/green-bond  

ICMA (2021). Green Bond Principles. Available at: https://www.icmagroup.org/sustainable-finance/the-principles-guidelines-and-handbooks/green-bond-principles-gbp/  

LMA (2021) Guidance on Green Loan Principles. Available at: https://www.lsta.org/content/guidance-on-green-loan-principles-glp/ y 

LMA (2018) Green Loan Principles: Supporting environmentally sustainable economic activity. Available at: https://www.lma.eu.com/application/files/9115/4452/5458/741_LM_Green_Loan_Principles_Booklet_V8.pdf  

MSCI (2020) ESG and the Cost of Capital. Available at: https://www.msci.com/www/blog-posts/esg-and-the-cost-of-capital/01726513589#:~:text=Companies%27%20ESG%20profiles%20correlated%20with%20cost%20of%20capital&text=29%2C%202019.&text=In%20the%20MSCI%20World%20Index%2C%20the%20average%20cost%20of%20capital,even%20higher%20for%20MSCI%20EM 

Net Zero Carbon (2021) Decarbonisation delays in the real estate sector could cost businesses $2.5tr. Available at: Decarbonisation delays in the real estate sector could cost businesses $2.5tr (netzerocarbon.com) 

S&P Global Market Intelligence (2021) Green bonds growing as a share of REIT debt issuance. Available at: https://www.spglobal.com/marketintelligence/en/news-insights/latest-news-headlines/green-bonds-growing-as-a-share-of-reit-debt-issuance-66559830  

UKGBC (2020) Building the Case for Net Zero: A feasibility study into the design, delivery and cost of new net zero carbon. Available at: https://www.ukgbc.org/ukgbc-work/building-the-case-for-net-zero/ 

Zenghelis, D. (2021) What are the likely costs of the transition to a sustainable economy?. available at: https://www.economicsobservatory.com/what-are-the-likely-costs-of-the-transition-to-a-sustainable-economy 

Zhang, R., Li, Y. and Liu, Y (2021). ‘Green bond issuance and corporate cost of capital’. Pacific-Basin Finance Journal, 69. Available at: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0927538X21001335

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